Ce qu’il (nous) reste.
Chers vous, il m’est arrivé dernièrement d’envisager de mettre la clé sous la porte, de tourner la page, de faire table-rase, de jeter aux oubliettes : d’effacer sans prévenir toute trace de cet espace rempli minutieusement de mots et d’images au fil des années.
Lasse du grand jeu des apparences, lasse des premiers mots déposés ici qui me semblent avoir été pensés par une autre, lasse de me demander ce que diable vous venez cueillir par ici quand, moi-même, je n’ai jamais eu la moindre idée claire de ce qui me poussait à partager ces fragments avec vous. Electrisée à la simple évocation de la possibilité d’une page blanche, d’un premier janvier proclamé quand je l’aurais décidé, d’un nouveau départ sans enclume estampillée des démons du passé, voilà qui m’a poussée un soir à déclarer « Ca y est, « Le plus bel âge » c’est terminé ».
Pourtant, me voilà encore ce soir, à noircir une page immaculée contenant en puissance tous les possibles. Parce qu’il me faut écrire, comme une urgence, j’ai les mots qui dansent dans le ventre. L’écriture est ma grande profondeur, elle donne corps à ce que je peine à concevoir. En quoi j’ai toujours froncé les sourcils quand, sur les bancs de l’université, on se plaisait à nous asséner ces célèbres paroles de Boileau : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement / Et les mots pour le dire arrivent aisément ». Car écrire, dans mon cas, ne ressemble en rien à tout ça. Les mots – douloureux parfois, aisés jamais – agissent comme un agent révélateur, ils surgissent et me surprennent quand je pensais n’ avoir strictement rien à dire. Comme une petite magie.
Les mots destinés à sonner dans le vide et le silence n’ont à mon sens pas le même éclat. Je ne suis pas de celles qui écrivent « pour moi ». Il y a quinze ans, l’écriture s’est imposée à moi comme un pont jeté entre ma forteresse silencieuse et les Autres, serrés sur la rive bruyante dont j’ai longtemps étudié les codes, faute de les avoir inscrits dans mes gènes. Ecrire est, au fond, une déclaration d’existence. Nous faisons tous ça : défendre notre humanité, clamer avec plus ou moins de bruit que nous sommes vivants.
Au fil du temps passé ici, je pense avoir tendu des fils ténus de moi à certain(e)s d’entre vous. C’est une expérience aussi formidable qu’insaisissable et je n’ai pas toujours su quels étaient, au juste, mon rôle et ma place dans ce vaste jeu de miroirs. Mais quand S. m’a dit ce matin que tous les mots déposés ici vous appartenaient aussi, j’ai su qu’elle avait raison. Que je n’allais pas vraiment partir, du moins pas sans prévenir. Le partage n’est pas innocent, il se nourrit de sa réciprocité : ce blog est le plus bel espace de liberté dans lequel il m’ait été donné de grandir.
Au plaisir d’écrire ici encore un peu, sans contrainte ni ordre ni direction.
Merci pour votre présence aléatoire, silencieuse, fidèle, récente ou indéfectible.
Caroline
février 6, 2018 @ 23:40
Ton article m’a fait l’effet d’un courant d’air glacé à l’idée d’être passée si près d’être privée de cet espace où je me réfugie bien souvent pour lire et relire tes mots. Les expériences que tu as partagées ici comme tes réflexions ont souvent été l’occasion de nouvelles idées, de prises de conscience ou de fenêtres ouvertes sur autre chose. Alors j’espère qu’il restera ouvert car, quelqu’en soit le sens – mais est-ce vraiment nécessaire qu’il en ait un précis ? – je sais que j’y suis attachée et que chaque nouvel article est une petite fête pour moi.
Belle soirée à toi Caroline !
février 9, 2018 @ 15:51
Merci Célie :) Au plaisir de te lire encore longtemps aussi.
février 7, 2018 @ 00:14
Tes mots ont une resonnance particulière, car tu as la capacité (et le talent !) d’écrire ce que tant aimeraient pouvoir exprimer… merci de le partager ici — au plaisir de te lire encore un peu ! <3
février 9, 2018 @ 15:51
Merci beaucoup Amélie !
février 7, 2018 @ 08:41
Je te suis depuis deux ans, peut être. Je ne sais plus par quel chemin. Mais tes mots, ta délicatesse m’ont touchée profondément et tu fais partie de mes plumes informelles précieuses, alors je te remercie pour tout. Lire c’est peut être chercher, et parfois trouver, une co-humanité.
février 9, 2018 @ 15:52
<3
février 7, 2018 @ 08:44
Je crois qu’un blog est comme un amant, comme un amoureux, comme un mari, et qu’il faut, pour que l’Amour poursuive sa route, que l’histoire puisse sans arrêt être remise en question. Il faut que chaque jour, on puisse se dire que l’on pourrait partir et tout laisser, fermer la porte, mettre un mot fin, et que chaque jour, on décide que, décidément non. C’est la force de ce non et la force du « si » qu’on lui oppose -ou pas !- qui donne du sens à ce que l’on ressent, ce que l’on vit. Sinon, on s’ennuie. L’amour va avec le questionnement, avec l’hésitation, avec le flou des perspectives visibles et invisibles. Avec la force d’un tango, pas en avant, pas en arrière. Disputes et réconciliations. Peut-être. Quoi que tu choisisses, moi je voulais juste te dire que je suis de celles qui aiment tes mots, ton univers, tes partages, tes éclats. Tes phrases. Plus encore que tes photos. Où qu’ils se lisent.
février 14, 2018 @ 11:02
J’aime beaucoup ta vision des choses, ce parallèle subtil avec la relation amoureuse et ta manière de trouver de la poésie dans tout.
Merci pour tes mots Céline <3
février 7, 2018 @ 09:38
Tout détruire eût été un crime. Tes partages, tes mots et réflexions sont des petits pansements pour les jours un peu sombres, et pour ça j’ai envie de te dire mille mercis.
février 14, 2018 @ 11:02
<3
février 7, 2018 @ 18:34
J’ai toujours aimé venir par ici, et je crois que j’aimerais toujours. Mais parfois, j’ai l’impression que je te comprends trop bien, alors je comprendrais parfaitement. Persévérer ou re-commencer est un choix parfois difficile, quoi qu’il en soit fais ce que tu sens le mieux pour toi, pour vous et ce sera forcément le mieux pour tous, même si ça ne sera peut-être par toujours compris par tous. Merci et belle nouvelle route !
février 14, 2018 @ 11:04
Merci à toi Virginie <3
février 7, 2018 @ 21:06
« Ils surgissent et me surprennent quand je pensais n’ avoir strictement rien à dire », cette phrase, j’aurais pu l’écrire. Ces mots qui débordent du profond de nous, de l’endroit insoupçonné, et qui ne semblent ne plus pouvoir s’arrêter. Merci d’avoir hésité, merci d’être resté. Je sais par expérience qu’on regrette, des années après, de ne pas retrouver les mots qui nous ont habités, ne serait-ce que pour un temps, si futile soit-il.
février 14, 2018 @ 11:06
J’ai toujours eu cette impression qu’écrire matérialisait le nuage confus que j’avais dans ma tête, je sais rarement ce que je vais écrire avant que les mots sortent par écrit :) Merci à toi.
février 7, 2018 @ 22:25
Moi, j’ai toujours le même plaisir à te lire, et j’avoue avoir eu quelques sueurs froides en lisant les premières phrases de ce billet !
février 14, 2018 @ 11:06
Merci pour tes mots déposés ici et sur d’autres posts Ornella :)
février 8, 2018 @ 15:07
Caroline, je ne commente pas toujours, sans raison particulière, peut-être parce que tes mots m’émeuvent toujours, et que c’est parfois intimidant, comme si mes mots à moi viendraient écorcher tes textes. Mais j’aime te lire, pour toutes cette poésie que tu mets dans tout, mots, photos et blancs entre les lignes.
Si un jour tu décides d’arrêter, promets-moi, promets-nous de nous laisser suffisamment de temps pour aller lire, relire, une dernière fois Le plus bel âge du début jusqu’à la fin.
février 14, 2018 @ 11:09
Merci mille fois Camille <3 (Tu fais aussi partie de celles que j’aime lire, tout particulièrement, toujours en légèreté mais jamais sans profondeur, j’espère que tu le sais.)
février 12, 2018 @ 08:59
Ce sont les mots qui sonnent juste que j’aime lire ici. Qu’importe leur fréquence, la régularité des billets que je peux y lire, tes mots viennent toujours, précisément, « mettre des mots sur », et j’achève toujours ma lecture par un « mais c’est exactement ça ». Alors j’espère avoir l’occasion de vivre encore longtemps ces mini révélations que m’offre ton écriture, et ton regard sur les choses.
février 14, 2018 @ 11:10
Merci beaucoup Marion <3
février 18, 2018 @ 10:46
Bonjour Caroline,
Je fais partie, je pense, des lecteurs de l’ombre, je commente peu, mais je lis tout. J’aime la poésie de tes mots, venir te lire, c’est comme prendre une pause dans un cocon tour doux, et pour cela, merci.
Prend bien soin de toi
février 20, 2018 @ 22:05
ils résonnent bien forts tes mots, moi qui me questionne par vagues au sujet de l’intimité, du sens de ce mot chez moi. J’ai eu besoin de beaucoup de mots, d’un miroir, d’oreilles, et je crois que maintenant c’est un plaisir gratuit (enfin ?) le blog… peut-être le voyage sans fin le plus agréable? Et puis les mots sont si rares aujourd’hui que quand ils ont une place, il faut la chérir! J’aime l’intimité désuète des blogs (enfin chez moi c’est bien plus intime que chez toi qui a reçoit plus d’yeux!!) et l’absence d’immédiateté qui donne le goût de la vie… J’aime te lire penser à voix haute !
février 21, 2018 @ 16:18
Chacun apporte sa petite étincelle avec sa propre sensibilité, ses propres mots dans cette joyeuse immensité qu’est la blogosphère où l’on peine parfois à se retrouver. C’est sûr, certains blogs sont pour moi de vrais phares, et ce blog est un! J’espère te lire encore longtemps!